L’intrus était assis sur la commode, balançant doucement ses pieds qui ne touchaient pas le sol souillé, admirant son œuvre avec un petit sourire satisfait.
Le parquet n'était presque plus visible, comme recouvert d'un épais tapis persan, et au centre de celui-ci, il y avait l'objet de son attention, cette pierre grossière qu'il avait polie tel un diamant brut devenu bijou convoité.
Il passa une main dans ses cheveux rendus poisseux par ses efforts, repoussant les mèches indisciplinées qui l’empêchaient de contempler le fruit de son travail. La fierté gonflait sa poitrine et son ego tandis que son sourire s'agrandit encore en voyant son art se mettre à bouger, comme soudainement doué de vie. Oh, ce n'était qu'un tremblement, un frémissement incontrôlé suivit d'une plainte étouffée.
L'individu se laissa glisser jusqu'au sol, s’approchant de son ouvrage, lentement, posément. Chacun de ses pas semblait calculé, comme s'il tenait à ne pas abîmer le tapis rouge sur le sol.
Il finit par s’accroupir, proche de l'enfant qu'il avait embelli, proche de sa petite créature.
"N'es-tu pas magnifique ainsi ?"
Entendre ces susurres à son oreille fit reculer l'enfant qui trembla de plus belle. La terreur se lisait sur son visage balafré, autant que la douleur.
Un ricanement s'échappa de la gorge de l'intrus face à cette peur qu'il inspirait auprès de son œuvre.
Il savait que les remerciements viendraient... Mais plus tard, quand l'enfant pourra enfin s'apercevoir du bienfait que l'étranger avait fait, quand il pourra enfin s'apercevoir qu'il était devenu cette pierre précieuse que l'on admire et convoite.
L'individu se releva, attrapant la peluche restée seul sur l'oreiller. Lui aussi avait put admirer la scène, lui aussi semblait content de voir l'enfant qui le chérissait sortir de sa chrysalide et devenir papillon. Le grand sourire sur son petit visage d'ourson parlait pour lui.
L'intrus se retourna vers sa proie, posant la peluche sur la poitrine de l'enfant qui le rattrapa maladroitement, le serrant dans ses bras en gémissant... Ou sanglotant... L'intrus n'arrivait plus à discerner les deux depuis un petit moment déjà.
Le levant sans douceur, il le remit sur pied, veillant à ce qu'il reste debout malgré ses plaintes.
"Allons Sweet Boy, tu es un grand garçon maintenant, il ne faut pas pleurer ainsi. Il va falloir montrer à ton papa et ta maman que tu es devenu beau et grand maintenant."
Un bruit étouffé s'échappa de l'enfant. L'espoir de voir ses parents et que ces derniers viennent à sa rescousse sembla l'espace d'un instant apaisé ses pleurs et ses plaintes.
Posant sa main sur son épaule, l'individu le guida jusqu'à la porte de sa chambre, puis dans le couloir vers ce qui semblait être la chambre matrimoniale.
Elle s'ouvrit dans un faible grincement, l'obscurité était présente là aussi, seulement troublé par l'éclat de la pleine lune à travers les fins rideaux. Qu'importe, l'intrus était habitué aux ténèbres, il discernait sans peine le grand lit et les deux silhouettes qui y dormaient encore, insouciante.
Il fit avancer l'enfant, le plaçant face au lit et restant derrière lui. La pression qu'il infligea d'une main sur l'épaule abîmée du garçon le fit gémir à nouveau et ce son, bien que faible, sembla faire remuer l'une des silhouettes.
Elle se redressa à moitié sur le lit, encore endormi ou presque.
"C'est toi mon chérie? Tu as fait un cauchemar ?"
Comme rien ne sembla lui répondre, elle se tourna, allumant la lampe proche de son lit avant d'apercevoir enfin le fruit de ses entrailles une fois la pénombre chassée.
Les yeux de cette mère s’écarquillèrent de terreur à la vie de son enfant et de l’intrus penché sur son épaule et un hurlement sortit de sa gorge.
Son mari se réveilla en sursaut, sonné, perdu, mais bien sorti des limbes du sommeil, surtout quand ses yeux se posèrent sur son fils.
"Regardez! Je l'ai rendu beau ! Félicitez-moi !"
L'enfant laissa tomber sa peluche sans même tenter de la rattraper. Comment aurait-il fait de toute façon sans aucun doigt pour la retenir ? À moins que la véritable raison soit qu'il ne l'ai pas vu et qu'il ne la verra plus jamais. Qu'importe, il sera toujours heureux au final, qu'importent ses larmes, ses gémissements, ses tremblements... Son sourire restera... Toujours... Et à jamais gravé dans les mémoires.