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Lettres de sang [PV Maxwell S Aleksandrov]

 :: — Le Monde — :: Europe :: France
Mar 15 Sep - 22:19
Morgane était assise à son bureau, pensive, replaçant négligemment une mèche folle derrière son oreille droite, la plume posée sur le papier de sa lettre désormais recouverte aux trois quart de son écriture fine et penchée, la pointe effleurant à peine la surface blanchie du rectangle léger posé sur le bois de son secrétaire. Ses yeux étaient légèrement soulignés de cernes, et la lampe à huile posée non loin d’elle semblait arriver à la fin de sa réserve. Elle n’avait pas remarqué qu’elle n’avait pas dormi depuis maintenant presque deux jours, plongée dans ses pensées, laissant sa raison au placard lors d’une de ses énième insomnie.

Le rayon de soleil qui glissa jusqu’à ses doigts lui fit cligner des yeux et relever la tête, observant par les carreaux de sa fenêtre, à travers les rideaux, le lever de soleil qui glissait paresseusement sur les toits parisiens, rasant sur les tuiles sales où se baladaient déjà pigeons et chats faméliques, lâchant un voile rougeâtre sur la capitale française, semblant souligner avec amusement le sang qui, auparavant, et il y a peu, avait coulé en masse sur les pavés. Certains murs portaient encore des traces de souffre, de balles et d’autres éclats causés notamment par la Commune et sa levée de barricades. Paris et son peuple était toujours aussi craint, mais de façon plus insidieuse, et c’était désormais dans l’ombre que les révolutionnaires et les anarchistes attendaient leur tour.

Un léger soupir franchit les lèvres de la courtisane qui se releva, laissant là sa lettre sans plus se soucier de la plume qu’elle avait nettoyée et remise à sa place après avoir rebouché son encrier. Elle n’arriverait à rien, il était inutile qu’elle continue de se pencher sur ces phrases qui refusaient de sortir. Et il était hors de question qu’elle perde sa réputation à cause d’un style trop familier. Les arcanes du pouvoir étaient retorses, et le moindre faux pas pouvait s’avérer fatal. Que cette missive ait du retard ne gênait guère, mais la forme se devait d’être irréprochable, y compris pour un fond plus ou moins vulgaire. Il n’y avait guère que ses fournisseurs qui lui connaissaient un style simple et sans ambages, et cela était pour le mieux.

En parlant de fournisseur… Le regard vert-gris de la jeune femme se posa mentalement sur la réserve d’alcool qu’elle conservait pour son usage personnel et lorsqu’elle recevait des invités, glissant sur les emplacements vides et comptant de tête avant de tordre ses lèvres rosées dans une légère grimace. Elle allait devoir de nouveau commander du vin, et du bon qui plus est, ce qui allait s’ajouter aux notes de frais de ce mois-ci. Encore heureux que leur maison ait une certaine « notoriété » auprès d’une clientèle assez aisée, cela leur permettait de sortir des bénéfices assez importants et ainsi de s’offrir ce genre de choses. Elle savait très bien qu’elle n’était pas la seule à avoir le goût du bon vin et des alcools de qualité. Nombre de ses filles avaient également sombré dans ce vice qui réchauffait leur corps transi par les passes qu’elles faisaient avec des clients parfois un peu trop brutaux. Par chance, ce genre de lourdauds se faisait de plus en plus rare aux abords du bordel, sans doute grâce à Viviane qui avait fait recracher plus de dents qu’elle ne pouvait en compter.

Un sourire amusé vint aux lèvres de la gradée de l’ordre qui entreprit de se changer, ne tardant pas à se faire aider par l’une de ses filles venue monter afin de lui annoncer qu’une nouvelle lettre venait de lui être envoyée. L’ouvrant alors que la jeune fille lui laçait son corset, elle lut rapidement la courte missive, la pliant par la suite avec soin avant de remercier son aide malgré la pression que lui imposait sa tenue, l’empêchant presque de respirer correctement. Ah, si les hommes voulaient avoir la paix avec cela, c’était assez réussi, il suffisait de voir les pauvres demoiselles qui s’évanouissaient en plein Paris au moindre effort. Elle avait également eu vent de rumeurs selon lesquelles de plus en plus de crises d’hystéries frappaient la population féminine. Et elle se demandait si ce n’était pas lié, bien qu’elle se doutait qu’elle était sans doute dans l’erreur. Fichue mode et la pression qu’elle leur fichait dessus sans la moindre compassion. On voyait bien que certains n’avaient pas à porter ces instruments de torture, enfin…

Déposant la lettre dans son secrétaire, elle entreprit de congédier doucement la demoiselle qui s’éclipsa rapidement. Cette petite était depuis peu dans le métier et avait pu trouver chez elle une sorte de toit, quand bien même Morgane ne souhaitait ce métier à personne. Mais elle ne pouvait pas faire grand-chose d’autre que ce qu’elle faisait déjà. D’un geste, elle prit la petite clef qu’elle gardait désormais toujours sur elle et ouvrit rapidement un petit tiroir, en tirant deux autres missives qu’elle posa sur son bureau avec celle qu’elle venait tout juste de recevoir, ses traits tendus par une concentration et une sévérité qui tranchait avec son attitude habituelle et connue, celle de la désinvolte et douce courtisane.

Ses yeux parcouraient les trois lettres, semblant faire des liens entre elles, mélangeant les phrases et les mots, en retirant des informations qu’elle savait importante pour Max, qui l’avait contactée peu de temps auparavant afin d’avoir divers renseignements sur un homme de toute évidence nuisible pour l’Ordre.

Un léger sourire traversa ses lèvres alors qu’elle se coiffa rapidement les cheveux, épingles entre ses dents. Elle avait eu ce qu’elle désirait, il ne lui restait plus qu’à voir le second de Rochelle. Elle en profiterait pour lui demander de ses nouvelles, cela faisait un petit moment qu’elles n’avaient pas pu se voir, faute de temps, toutes deux ayant été occupées à diverses activités.
Posant la dernière épingle dans sa chevelure délavée, la jeune femme entreprit de ranger les trois feuilles de papier, les enfermant dans son secrétaire avant de passer la clef autour de son cou. Elle n’avait personne d’autre à voir que Maxwell, et son instinct lui souffla que c’était là une excellente chose. Après tout, qui savait ce qui pouvait se produire dans une journée en apparence tranquille ?
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Morgane Aether
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Morgane Aether
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